Disons-le : dans l’univers latino-américain, les Chiliens sont à part, tout comme les Argentins. Mais les deux nations amies-ennemies possèdent des mentalités distinctes, ce qui entretient leurs singularités. Les Chiliens passent un peu pour les Allemands de l’Amérique du Sud. Et c’est justifié : plus discrets, plus à cheval sur les horaires, moins joviaux (de prime abord) que leurs voisins argentins ou péruviens, avec un niveau d’éducation scolaire qui les placent au premier rang. Pour autant, ce ne sont pas des bonnets de nuit ! Au contraire, dès que le contact est établi, c’est une porte grande ouverte qui se présente devant vous.
Ils connaissent leur différence. Ils l’expriment dans leurs relations et leurs mots. L’ère Pinochet n’est pas si loin, mais les carcans qui enserrent leur conformisme sont en train de disparaître. Le pays s’américanise également rapidement. Vous ne serez pas dépaysé(e) par leur niveau de développement économique (le Chili affiche un taux de croissance dont nous rêvons ici en France !). Vous ne verrez pas ou peu la différence avec l’Europe.
Alors oui, les Chiliens ont cette précieuse profondeur qu’on ne retrouve pas chez d’autres peuples du continent. Oui, le Chili est une patrie fière de son héritage intellectuel. Oui, les Chiliens sont moins « latins » que les autres. Donc non, vous n’arriverez pas à monnayer une faveur avec un policier pour éviter une amende !
Aguerris que nous sommes à la mentalité sud-américaine, nous avons tenté la dernière fois, en plein désert d’Atacama, d’obtenir auprès d’un « carabinero » (« policier ») un rabais sur une dépanneuse qu’il nous avait envoyé (on avait planté notre pick-up à 4500 m !), moyennant une « propina » (« pourboire »). Eh bien, rien à faire. Et vous savez quoi ? Il avait raison ! Et nous, tort d’avoir mal jugé les Chiliens, en plus d’avoir manqué de morale, il faut l’avouer. Nuestra culpa ! Et comme on apprend de ses erreurs, ceci est notre témoignage à valeur de leçon pour tous les voyageurs au Chili.
On ne peut pas non plus résumer aussi simplement le caractère chilien. Un natif de l’Atacama n’a rien en commun avec un habitant de Santiago ou un Patagon de Punta Arenas.
Les Atacamènes sont des « indigenos », autrement dit les premiers habitants. Ils appartiennent à la grande galaxie des peuples incas, dont l’héritage se perpétue dans tout l’Atacama. Ils entretiennent cependant une particularité qui les distingue de leurs homologues péruviens du Sud-Pérou. Aussi parce qu’ils vivent dans une nature rude, celle du désert d’altitude. Les habitants de l’Atacama sont généralement assez fermés. Ils font partie des régions les plus pauvres et délaissées économiquement du Chili. Seuls les mineurs vivent assez confortablement.
On ressent déjà l’influence de leurs homologues boliviens du Sud-Lipez, dont ils ne sont pas si éloignés. Et comme eux, ils respectent la Pachamama et les traditions apportées par les Incas. Le contact avec eux nécessitera un peu de temps, c’est pourquoi nos circuits privilégient les séjours dans un même village sur plusieurs jours. Mais petit à petit, à force de vous croiser, de vous voir dans les ruelles de leurs petits pueblos, la confiance se manifestera. C’est ainsi que nous-mêmes l’avons expérimenté. L’ouverture, la patience et l’humilité sont les clés pour réussir vos échanges avec eux.
A l’opposé géographique, la Patagonie. Des conditions naturelles autres, mais également délicates : une météo capricieuse, des terres bien vertes, sculptées par les montagnes andines, et peu étendues en comparaison avec les estancias argentines. Mais un point commun avec l’Argentine : la mentalité gaucho. Les habitants ont conservé cet esprit pionniers qu’ils s’étaient forgé en arrivant au XIXème et au début du XXème siècle.
Vivre dans un tel environnement nécessite une force de caractère qui ne s’embarrasse pas de détails. Aussi, nous allons répéter ce que nous avons écrit sur les « us et coutumes » argentins, car cela est ausi vrai pour les gauchos chiliens : « […] le caractère gaucho est à l’image du climat, surtout en Patagonie. Là-bas, on ne perd pas de temps à parler du temps qu’il fait, on vit avec déjà avec lui chaque jour. […] Si vous rencontrez pour la première fois un gaucho, parlez-lui de son quotidien, intéressez-vous à son labeur.
Sans omettre d’avoir l’esprit que son temps n’est pas dédié au touriste. Il tond des milliers de moutons, trie et conditionne la laine, conduit les troupeaux dans des conditions relativement difficiles. C’est un cow-boy version latino-américaine qu’il faut savoir « dompter ». Mais une conversation avec l’un d’eux auprès du poêle à siroter un maté avec la « bombilla au bec » n’a pas de prix. Le tout étant de faire preuve d’humilité et d’intérêt face à ce gardien de la Nature qui lui ressemble : rude mais aussi généreuse qu’elle est infinie. Et le souvenir restera inoubliable.
Mais on ne peut pas parler de la Patagonie sans évoquer les « Indigenos » Mapuche. Une culture forte, en communion avec la Nature, dont la survie est engagée. Les Mapuche font partie des derniers peuples natifs de Patagonie, les autres ayant été décimés au cours des conquêtes de la région par les colons « blancs », pas seulement assassinés mais aussi et surtout victimes des maladies importées d’Europe.
Leur triste destinée est à rapprocher de celles des autres Patagons authentiques, qu’ils soient d’Argentine ou du Chili. Cette notion de pays ne revêt d’ailleurs aucun sens dans leur culture, tout comme l’instinct de propriété. Il subsiste des peuplements Mapuche, principalement en Patagonie du Nord. Au vu de leur sort et du peu de préoccupations dont ils fnt l’objet de la part de Santiago, le contact avec eux nécessite de la patience et beaucoup d’humilité.
Pour récapituler, au Chili, oubliez au moins à 50% les repères « latinos » que vous pourriez avoir. Et profitez des 50 autres % pour découvrir la vraie latinité des Chiliens, celle qu’on aime : le caractère forgé dans les ateliers d’une Nature extrême, la convivialité, l’intégration rapide des nouveaux venus, cet accent chantant qui n’a d’équivalent nulle part, sans compter qu’ils ont banni le « s » de leurs mot. Ainsi, vous ne les entendrez pas dire : « Vamos a las islas », mais plutôt « Vamo a la ila ». Et si l’on ajoute à tout cela, une bonne bouteille de vin de la Vallée de Colchagua (cf. notre circuit spécial aventure & viticulture ici) et quelques poèmes de Neruda, il ne manque plus rien pour tomber amoureux(se) de ce peuple si généreux et si singulier.