Economie

Ils font une razzia sur des produits rares et vous les revendent plus cher: en 2020, les signalements de "scalping" ont quasi doublé en Belgique

© Jason Briscoe/Unsplash

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Par Anaïs Corbin

Si vous payez votre billet 500€ pour aller voir les Diables ou Beyoncé en gradins, c’est que vous avez sûrement affaire à un "scalper." Ces profiteurs de "rareté" sont assez connus dans le monde du spectacle avec la revente de tickets de concerts ou de matchs par exemple... mais plus seulement. Le but ? Se procurer des produits souvent prisés ou en édition limitée pour les revendre plus cher par la suite.

Le scalping est, à l’origine, une technique que l’on retrouve dans le trading. Dans le monde de la spéculation boursière, des bots (robots informatiques) sont utilisés pour pouvoir acheter rapidement de grosses quantités d’un produit hautement demandé et une fois que les commerçants sont en rupture de stock, les scalpers les revendent à des prix beaucoup plus élevés et profitent ainsi d’une marge astronomique.

Un exemple dernièrement avec la sortie des consoles très attendues : la PS5 et de la Xbox où 52.000 exemplaires se sont vendus le double ou triple du prix sur eBay et StockX au Royaume-Uni, pays où cette pratique est légale. Sauf que depuis cette pagaille commerciale, les parlementaires britanniques ont proposé une loi interdisant l’achat de consoles et autres composants informatiques en grande quantité à un prix relativement plus élevé que celui des constructeurs.

Aux Etats-Unis, un revendeur s’était procuré plus de 200 PS5, ce qui a généré 30.000 dollars de bénéfices en une semaine. Dans le monde, cela représente près de 30 millions de dollars empochés par les scalpeurs sur eBay avant début décembre 2020.


►►► Au Royaume-Uni, le "scalping" (l’achat massif pour revendre plus cher) de consoles dans le viseur.


Une technique qui ne date pas d’hier

Cette tendance n’a vraisemblablement rien d’innovant, c’est la loi de l’offre et de la demande : quand la demande pour un bien à son prix de vente est élevée et surpasse son stock disponible, le scalping se met en place naturellement. Vice rapporte même que ce phénomène se nomme "arbitrage" depuis 1705, nom donné par un économiste français.

Le nom "scalping" date du 18e siècle lorsque les billets de train se revendaient au prix fort pendant l’âge d’or des chemins de fer américain, toujours selon Vice.

Cette technique s’est transformée avec internet et aujourd’hui, ce sont pleins de produits différents qui sont revendus à partir d’un ordinateur (concerts, transports, consoles, sneakers, vêtements,…).

Des Bots pour traquer les stocks

Des bots sont des programmes qui sont vendus quelques dizaines de dollars par des boutiques qui surveillent les sites commerciaux en permanence et traquent les stocks puis se placent dans une file d’attente virtuelle jusqu’à l’achat du bien visé. Les bots placent des produits dans le panier et procèdent à des commandes à une rapidité informatique que l’humain ne pourra jamais atteindre.

Selon un rapport publié en 2019, 40% des billets numériques finissent dans la caisse des robots. Souvent, ce sont les marques dont les produits attirent les scalpers qui dénoncent. Néanmoins, cette technique n’a pas que du mauvais pour ces dernières : "Ils diront en public qu’il est horrible que des gens achètent leur produit et le revendent, mais ils aiment la publicité, ils aiment la rareté, ils aiment le fait qu’un produit porte un tel cachet." affirme le spécialiste de la sécurité informatique Bruce Schneier dans Quartz.

Qu’en est-il en Belgique ?

"La revente de tickets de concert à une valeur supérieure de son prix de vente est illégale en Belgique" déclare Etienne Mignolet, porte-parole adjoint du SPF économie Belgique. L’organisme nous a communiqué les chiffres concernant le signalement de "ticket scalping" en Belgique, en constante croissance depuis 2014 avec 180 signalements jusqu’en 2019 avec 835 signalements. Le Covid a évidemment fait baisser ce chiffre en 2020 avec 179 signalements.

En Belgique, il est interdit d’engendrer des " bénéfices anormaux "

"En Belgique, la fixation des prix est libre. Toutefois, il est interdit d’engendrer des " bénéfices anormaux ", conformément à l’article 1 du décret-loi du 14 mai 1946 sur le renforcement du contrôle des prix", explique Etienne Mignolet. "Comme il n’est pas précisé à qui s’applique cette interdiction, tout le monde doit la respecter. En d’autres termes, l’interdiction s’applique aux entreprises comme aux personnes privées."

"En 2020, la crise sanitaire a provoqué une hausse de cette pratique pour des produits de type masques, désinfectants, etc." Le nombre de signalements a en effet presque doublé entre 2019 et 2020 passant de 340 à 605.

Malgré l’arrivée d’internet, la loi ne change pas: "peu importe le canal de vente, l’interdiction va sur le bénéfice anormal".

Il y a différentes manières de traquer les revendeurs malhonnêtes comme nous l’explique Monsieur Mignolet : "L’Inspection économique peut initier des enquêtes sur base de signalements, d’initiatives, à la demande du ministre ou dans le cadre de campagnes de contrôle, et ce tant sur le terrain que sur le web."

Internet dépasse évidemment les frontières belges, "Il y a des phénomènes étrangers mais si cela arrive nous les retransmettons à nos homologues du pays concerné. Le SPF économie et l’Inspection économique ne couvrent que la Belgique."

Jusqu’à 5 ans de prison et des amendes pouvant atteindre 8 millions d’euros.

Concernant les sanctions prévues, SPF Economie nous communique que "l’arrêté-loi du 14 mai 1946 renforçant le contrôle des prix prévoit des peines de prison allant jusqu’à 5 ans et des amendes pouvant atteindre 8 millions d’euros. Les produits offerts en vente peuvent faire l’objet d’une saisie. Les p.-v. dressés sont toujours transmis au parquet, l’Inspection économique n’est pas habilitée à proposer des transactions pour ces infractions."

En 2020, le SPF Economie dénombrait 342 contrôles sur les 605 signalements et parmi ceux-ci, 37 procès-verbaux ont été dressés et 28 infractions ont été relevées.

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