« Top Gun » ou top gay ? 

Quentin Tarantino a résumé le film comme « l’histoire d’un mec qui lutte contre sa propre homosexualité ». Les corps huilés de Tom Cruise et de ses camarades à l’appui.

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Temps de lecture : 5 min

C'est la thèse de Quentin Tarantino, du moins de son personnage Cid dans Sleep With Me, un film sorti en 1994. Il la développe dans une scène de cuisine du long-métrage. Bière à la main, le réalisateur de Reservoir Dogs et Pulp Fiction mitraille son interlocuteur : « Top Gun, tu crois au départ qu'il s'agit d'une histoire de pilotes d'avion machistes. En fait, c'est l'histoire d'un mec qui lutte contre sa propre homosexualité. Tu as Maverick, toujours à la limite, sur le fil quand il pilote. Et tu as Iceman et son équipe. Ils sont gays. Ils représentent l'homme gay. Et ils disent à Tom Cruise : viens, viens du côté gay ! Dans le film, sa petite amie, Kelly Mc Gillis, est hétérosexuelle. Elle lui dit : respecte les règles, soit doit dans la norme […]. Dans la dernière scène, après avoir abattu les avions russes, Val Kimer dit à Maverick : tu peux être mon équipier. Tom Cruise réplique : toi, sois le mien. »

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Résumons : selon Tarantino, Top Gun 1 serait, sous ses apparences hétérosexuelles traditionnelles, l'histoire d'un beau jeune mâle qui séduit sa professeure plus âgée (ça vous rappelle quelque chose ?), un film cryptogay aux références homosexuelles à peine voilées. « Venant de Quentin Tarantino, c'est toujours un compliment », réagit dans le magazine américain Vulture Jerry Bruckheimer. Le producteur plaide pour une interprétation libre des films qu'il produit : « Chacun y voit ce qu'il veut. »

Notre série Génération Top Gun :
« Top Gun : Maverick » – Pourquoi Tom Cruise nous séduit encore
« Top Gun » : l'enquête qui inspira le blockbuster culte
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« Publicité homoérotique brillante »

Foutaises ou messages cachés dans le long-métrage d'avions de chasse le plus célèbre de l'histoire du cinéma ? Nous laisserons les experts en sexualité en débattre. Pourquoi pas dans une cuisine, bière à la main ? Convenons tout de même en visionnant à nouveau le film de 1986 qu'il n'est pas qu'« hétéronormé ». Le réalisateur Tony Scott met en scène les corps masculins sous un angle avantageux. Feu Pauline Kael, l'excellente critique de cinéma du New-Yorker, qui se refusait à trop intellectualiser les films, avait parlé d'une « publicité homoérotique brillante : les pilotes se pavanent dans les vestiaires, des serviettes suspendues de manière désinvolte à leur taille. »

Il y a ces moments de vestiaires et surtout une séquence qui a marqué des générations : celle du match de beach-volley. Tom Cruise le beau brun et Val Kim le beau blond jouent à la balle torse nu avec leurs amis. Sous le soleil et devant un public 100 % masculin. Corps luisants, en sueur, complicité tactile… « Il y a tous ces hommes montrés comme des objets de désir qui se regardent et se frôlent. Ces images concourent à une « fetishization » des corps masculins, qui existe très peu dans le regard hétérosexuel », estime Franck Finance-Madureira, journaliste cinéma pour les magazines Têtu et French Mania. Il rappelle que Tom Cruise a commencé sa carrière avec la ferme intention de faire de ses yeux bleus et de sa belle gueule des objets de désir tant pour les femmes que pour les hommes.

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Le « film le plus gay de l'histoire du cinéma » ?

« Avec Sylvester Stallone et Arnold Schwarzenegger dans le cinéma de genre, il est l'un des premiers comédiens à mettre en scène son corps dans les années 1980 », poursuit le critique. Dans son premier grand rôle sur le grand écran, Risky Business, en 1983, Tom Cruise danse en slip et en chaussettes blanches. Il va jusqu'à utiliser un long chandelier qui lui sert de guitare, de microphone et qu'il place entre ses jambes. Innocent ? Au fil de ses colonnes, Vulture a consacré le premier Top Gun comme le « film le plus gay de l'histoire du cinéma » : « Avec ses plans récurrents des comédiens Val Kilmer, Rick Rossovich et Anthony Edwards huilés pour un match de volley-ball de plage à la Bruce Weber, le film de 1986 met à nu le monde homosocial des aviateurs navals et des impulsions avec une énergie homoérotique indéniable », peut-on lire sur le site.

Un « homoérotisme » beaucoup moins criant dans le nouveau Top Gun : Maverick, qui multiplie les clins d'œil au premier. Ainsi, la scène de volley-ball subit une transformation qui témoigne du changement de mœurs et d'époque. Les corps nus et luisants des hommes sont bel et bien là, sur la plage. Mais ils côtoient contrairement au Top Gun de 1986 un corps féminin vêtu. Celui de la pilote « Phoenix », interprétée par Monica Barbaro. Tom Cruise, lui, joue à la balle sous un regard concupiscent et féminin. Jennifer Connelly alias « Penny » scrute avec désir le beau coach qui entraîne ses ouailles sur le sable.

Chasteté contemporaine

Attardons-nous également un instant sur la relation hétérosexuelle des deux protagonistes, puisqu'elle illustre, elle aussi, son époque. Les spectateurs avides d'une longue scène d'amour langoureuse entre Cruise et Connelly, comme celle de Cruise et Kelly Mc Gillis, en 1986, seront déçus. Elle ne dure qu'une minute, et encore, elle est bien chaste. Un début de baiser, un bout d'épaule nue de Tom Cruise, et c'est tout. Quelques minutes après l'amour, Jennifer Connelly est déjà vêtue d'une robe de chambre de soie. Le « mâle alpha » Tom Cruise se voit contraint, tel un adolescent, de partir dans la précipitation par la fenêtre de peur d'être surpris par la fille adolescente de « Penny ».

À LIRE AUSSI « Top Gun : Maverick » – Pourquoi Tom Cruise nous séduit encore

On est loin, très loin, des baisers liquides, avec langues bien visibles, du premier opus, en position verticale puis allongée. Loin des épaules nues de Kelly McGillis, seule après l'amour au petit matin. À l'époque, cette scène avait été ajoutée plusieurs mois après le tournage. Les « spectateurs test » du film avaient en effet jugé la romance entre l'élève Maverick et la professeure de Top Gun trop prude et réclamé plus d'allusions. Les temps ont changé. Hollywood est devenu très pudique. Voire puritain.

Finalement, on ne peut guère dire que le nouveau long-métrage de Paramount laisse de place à l'imaginaire gay. Peu de risque que Quentin Tarantino ose affirmer que Top Gun : Maverick serait « l'histoire d'un mec qui lutte contre sa propre homosexualité ».

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Commentaires (22)

  • Rico91

    Ce n'est pas parce que c'est Tarantino qui le dit que c'est vrai et même que c'est intelligent. Cette manie de voir des homosexuels un peu partout chez les hommes virils est exaspérante et même stupide.

  • Dameblanche

    J'ai vu le film... Mais l'aspect cul-cul pan-pan m'est passé à côté !
    En revanche, les avions...

  • Mikejean

    En France, en 2022, avec la permission de sa ou de son partenaire, on peut faire ce que l’on veut avec sa queue