Trois questions à Lee Jung-jae, la star de « Squid Game » 

De passage à Cannes pour présenter Hunt, son film d'espionnage, Lee Jung-jae, l'acteur phare de la série phénomène Squid Game nous a accordé quinze minutes, montre en main. Top chrono. 
Lee Jungjae à Cannes © Camille McOuat
Lee Jung-jae, à Cannes © Camille McOuat

Votre film d'espionnage se situe après l'assassinat du président Park, en 1979, sur fond de Guerre froide et de conflit entre les deux Corées. Vous aviez 7 ans à l'époque. Quel souvenir avez-vous de cet évènement et du tumulte politique des années 1980 en Corée du Sud ?

Malheureusement, j’étais trop jeune je n’ai pas du tout de souvenirs. Je viens d'une famille ordinaire, on manquait de certaines choses. Je dirais qu’on faisait partie de la classe moyenne, entre la classe populaire et la classe moyenne. Ma mère avait un restaurant. Dans la famille, on ne parlait pas politique. C’était surtout mes amis plus âgés que moi, à la fac qui passaient leur temps à manifester au milieu des grenades lacrymogènes. C’est en devenant adulte que j'ai commence à explorer le passé. Pour ce film, j’ai beaucoup travailler pour restituer ces années là, beaucoup lu, vu de documentaires, je me suis beaucoup renseigné et j'ai interviewé des personnes qui avaient travaillé dans les renseignements en Corée à l’époque.

Pourquoi avoir fait ce film aujourd’hui ? En quoi est-il pertinent, selon vous, avec la réalité de notre époque ?

Effectivement, l'idée n'était pas de raconter les années 1980 ou de parler de politique en Corée. Nous sommes en 2022 et nous sommes toujours face à ce phénomène : il y a un groupe, une communauté, ou bien le gouvernement qui colporte des fausses informations - aujourd'hui, cela prend la forme des fake news - qui les propage et incite les gens à y croire pour mieux les exploiter et pour qu'ils affrontent. C’est ce qui entraine aujourd’hui les conflits et les guerres. Nous sommes assaillis les informations de partout, alors il faut savoir rester clairvoyants et séparer le bon grain de l’ivraie. Je pense que c’est pareil partout, ça a à voir avec notre époque. C'est ce que je vouais raconter à travers les deux personnages du film : l’un a une absolue loyauté envers le gouvernement nord-coréen, l’autre a une loyauté envers le régime militaire sud-coréen - ce sont deux personnes qui ont vécu dans la désinformation de ces deux gouvernements, ils réalisent qu’ils ont été exploités et essaient de rattraper le cours des choses.

Les scènes d’action sont très réussies, elles sont aussi très violentes et graphiques. Vous avez joué dans Squid Game. Pour ce film, vous avez travaillé avec le coordinateur des cascades de Dernier Train pour Busan. Il y a trois ans, Parasite recevait la Palme d’or. Comment vous expliquez que la Corée du Sud produise autant de récits violents - ou en tout cas que ceux-là s’exportent et connaissent un succès à l’étranger. Est-ce que c’est une appétence du marché occidental pour ces récits ou est-ce la société sud-coréenne qui crée ce type de récits en particulier ?

Vous savez, ça me rappelle les films de Hong Kong, il y avait énormément de films de gangsters à l’époque alors que Hong Kong bannit complètement le port d’armes à feu, alors c’est très peu plausible. Il y avait énormément de films de gangsters à l’époque. Ce n’est pas parce qu’il y a eu beaucoup de gangsters qu’il y a eu autant de films de gangsters. Dans cette même veine, en Corée, le public n’est pas du tout fan de violence. Je dirais que la violence dans les films dépend des sujets. Parfois, elle est nécessaire à cause du sujet. Mais je pense que la violence qu’on voit dans les films n’a rien à voir avec la violence qu’on voit la société. Je sais qu’il y a parfois des gens dérangés qui imitent les crimes perpétrés à l’écran dans la vie réelle. C’est quelque chose qu’on voit à l’étranger, mais en Corée, ça ne s’est jamais produit. Donc si on use de la violence, c’est pour que le message ou que le récit devienne plus intense. Mais je pense que ce n’est pas du tout parce que le public aime la violence qu’il y a de la violence dans les films.