Passer au contenu

PAROLES DE MANUCHARDS - Dominique Pestre, "la fierté du travail bien fait"

PODCAST - Cinq ouvriers de la Manufacture d'armes de Saint-Étienne témoignent de ce fleuron de l'industrie nationale. Des années 1960 jusqu'à la fermeture en 2003, c'était un haut lieu de la vie ouvrière dans la Loire, à côté de l'activité minière. Dominique Pestre était un manuchard.

Depuis le Moyen-Âge, les armes de guerre et de chasse étaient déjà produites à Saint-Étienne jusqu'à atteindre plus de 10 000 pièces à la Révolution, et plus du double un demi-siècle plus tard. Établissement d'État à la fin du XIXe siècle, les usines de la Manufacture d'Armes de Saint-Étienne ont vu sortir les emblématiques pistolets automatiques MAS G1, le FAMAS mais aussi les tourelles de véhicules blindés ou encore certaines armes antichars. 

Si en 1958 le président Charles de Gaulle annonce un investissement conséquent pour l'arme atomique comme nouvelle force de dissuasion, c'est au moment de la chute du Mur de Berlin et la fin du bloc soviétique que le sort des manufactures d'armes en France se jouera au profit d'une défense européenne, ce qui aura pour conséquence la suppression de dizaines de milliers d'emplois. Parmi eux, les ouvriers de la Manufacture d'Armes de Saint-Étienne qui sera démantelée petit à petit malgré une forte lutte ouvrière qui aura duré plus de vingt ans jusqu’à la fermeture définitive en 2001. Voici l'histoire et le témoignage de Dominique Pestre, Manuchard à Saint-Étienne.

Dominique Pestre - Alexandre Czuczman, Radio France
Dominique Pestre - Alexandre Czuczman, Radio France

”La fierté du travail bien fait”

Élève peu doué mais surtout inadapté à un système scolaire qui ne lui convenait pas, ce natif de Roche-la-Molière dans la Loire ne savait pas vraiment où était sons avenir jusqu’à ce qu’un proche de la famille le pousse à suivre l’apprentissage que proposait à l’époque l’école de la Manufacture d’Armes de Saint-Étienne. Arrivé en 1972 et soumis à un concours d’entrée, il finit par se faire une place grâce à une formation rigoureuse ainsi qu’un fort esprit de camaraderie qui ne le quittera pas. Intéressé par l’analyse des métaux qui servent à la fabrication des différents éléments d’armes de la “Manu”, il part à Toulouse pour suivre une formation spécifique et revient à Saint-Étienne comme spécialiste en métallurgie qui l’amène à analyser les matériaux, leurs normes, résistance bien avant l’ère du microscope électronique. Depuis ce poste clé, Dominique découvrira la richesse du site par son exigence mais aussi par ses possibilités comme lorsqu’il participe avec un chef réputé de la Loire aux premiers essais des techniques sous vide.

-
- © Radio France - Alexandre Czuczman
Dominique Pestre - Alexandre Czuczman, Radio France
Dominique Pestre - Alexandre Czuczman, Radio France

“Avec les attaques du Ministère, on met plus le pied à l’étrier”

Syndiqué dès 1976, soit quatre ans après son arrivée en apprentissage, Dominique vit le militantisme sous la bannière de la CGT à travers la collecte de cotisations ou la distribution de tracts mais les annonces de plans de fermeture de la Manufacture d’Armes de Saint-Étienne renforcent sa détermination à aller plus loin pour protéger son lieu de travail et celui de ses camarades. Cet environnement où résident pour lui la fierté du travail bien fait et celle d’être au cœur d’une entreprise reconnue finit par fermer ses portes d’ateliers petit à petit et il va, comme beaucoup d’autres, être muté à Saint-Chamond en 1994 d’où il partira avec de nouvelles missions auprès d’un hôpital dans le cadre d’un travail de prévention puis dans la politique qui lui permet de se frotter à des problèmes de la vie de tous les jours (finances, culture, éducation, agriculture et industrie) sans doute liés à ceux qu’il a connu au fil des combats pour garder la “Manu” ouverte.

-
-

“Un gâchis technique et humain pour des questions de rentabilité”

Si dans l’esprit des “Manuchards” il garde cette volonté de transmettre et de revendiquer, Dominique regrette à la suite de la fermeture de l’établissement où il a fait une grande partie de sa carrière la perte de certains métiers, techniques qui ont fait la réputation de la “Manu” dont des compétences extraordinaires pour tester de nouvelles technologies. S’il revient sur l’ancien site de la Manufacture pour les commémorations du 11 novembre et du 08 mai pendant lesquelles les ouvriers se recueillent devant le monument aux morts qui a d’ailleurs été fabriqués par d’anciens salariés, Dominique garde une grande blessure qu’il est difficile d’y retourner même si, selon lui, il faut pourtant tourner la page sans pour autant oublier le passé.

Dominique Pestre - Alexandre Czuczman, Radio France
Dominique Pestre - Alexandre Czuczman, Radio France

Ma France : Améliorer le logement des Français

Quelles sont vos solutions pour aider les Français à bien se loger ? En partenariat avec Make.org, France Bleu mène une consultation citoyenne à laquelle vous pouvez participer ci-dessous.

undefined