Folle « Périchole » à l'Opéra-Comique
Valérie Lesort signe une mise en scène bigarrée et débridée du chef-d'oeuvre d'Offenbach. Julien Leroy dirige l'Orchestre de chambre de Paris avec élégance et vitalité, comme du Mozart. Une distribution impeccable prend un plaisir manifeste à raconter cette histoire à dormir debout.
« Une partition à tiroirs, où il faut chercher le rire comme la subtilité », explique le chef d'orchestre Julien Leroy. « C'est une oeuvre à la fois joyeuse et réaliste : la misère, le désespoir et l'arbitraire s'y côtoient », ajoute la metteure en scène Valérie Lesort. La misère et le désespoir sont ceux du couple la Périchole et Piquillo, chanteurs des rues sans le sou. Tiraillée par la faim, notre héroïne n'hésite pas longtemps à suivre le vice-roi Don Andrès qui lui promet des repas fastueux et écrit alors une lettre d'adieu à Piquillo. Le point de départ de « La Périchole », opéra-bouffe créé à Paris en 1874, peut sembler assez sombre, mais il chante qu'« il n'est pas de cabaret où l'on fasse plus gaiement glouglou ».
Aussi Valérie Lesort a-t-elle choisi de faire osciller son spectacle entre réalisme et fantaisie. Réalisme (et splendeur !) des costumes de Vanessa Sannino, librement inspirés des costumes traditionnels du Pérou où se déroule l'action, mais aussi fantaisie et humour d'autres costumes aux allures pâtissières et des décors (Audrey Vuong) qui semblent échappés d'un rêve ou d'une BD enfantine. « Un mélange de cancan parisien et de danses folkloriques », résume la metteure en scène.
La production n'a posé aucune limite à cette avalanche de couleurs acidulées ni aux gags qui répondent à un livret abracadabrant. Un joyeux carnaval s'empare ainsi bien vite du plateau et ne craint pas de faire apparaître d'irrésistibles marionnettes de lamas. Le comique assumé n'interdit pas une lecture à plusieurs niveaux sans la contrainte de la leçon de morale ou du discours politique.
Fête des couleurs
La musique participe à la même fête des couleurs et profite d'une distribution de haut niveau. Stéphanie d'Oustrac, familière de Carmen et de rôles tragiques, baroques notamment, prend un plaisir manifeste à composer cette Périchole qui cède mais demeure fidèle à son Piquillo. Son timbre naturellement sombre apporte d'ailleurs une ambiguïté bienvenue à son personnage. Philippe Talbot confirme qu'il reste un grand défenseur du chant français dont il soigne les plus subtiles nuances comme le plaisir du texte.
Tassis Christoyannis offre à son vice-roi un timbre d'airain et un charisme incontestable qui évite de le réduire à une caricature. Eric Huchet et Lionel Peintre sont, comme à l'accoutumée, des modèles de diction et précision, tout comme l'ensemble de la distribution et l'excellent choeur Les Eléments. A la tête de l'Orchestre de chambre de Paris, Julien Leroy dirige cette musique pétillante et lyrique avec un entrain mais aussi une délicatesse de tous les instants. Rire et subtilité s'y côtoient en permanence.
La Périchole
Opéra
de Jacques Offenbach.
Dir. Julien Leroy, MS Valérie Lesort.
A l'Opéra-Comique www.opera-comique.com
Jusqu'au 25 mai. 3 heures.
Philippe Venturini