Jetons non fongibles et droit d’auteur

Cet article a été initialement publié dans la revue Propriétés intellectuelles, éditée par l’IRPI et l’Université Paris-Panthéon-Assas, n° 79, avril 2021, p.6.

Fonctionnement des plateformes de jetons non fongibles dans le domaine artistique
Techniquement, qu’est-ce qu’un jeton non fongible (NFT) ?
Juridiquement, qu’est-ce qu’un jeton non fongible (NFT) ?
Les jetons non fongibles, la représentation des droits sur une œuvre de l’esprit ?
Les jetons non fongibles, la représentation des droits sur le support de l’œuvre de l’esprit ?

Marché de l’art sur la blockchain

Connaissez-vous Beeple1, Jack Dorsey2, Grimes, Linkin Park, PelleK, Steve Aoki ? Ils possèdent trois points communs : le premier est d’exercer une activité artistique ; le deuxième est d’avoir vendu très récemment leurs œuvres, le plus souvent aux enchères, à des prix incroyables ; le troisième est d’avoir utilisé la technologie blockchain pour réaliser ces ventes, plus précisément des non-fungible tokens (NFT) ou « jetons non fongibles » (voir La rem n°57-58, p.75).

LA MÉDIATISATION DE TRANSACTIONS FINANCIÈRES COLOSSALES QUI BOULEVERSENT LES PRATIQUES TRADITIONNELLES DE LA FINANCE, DU MARCHÉ

La blockchain a la faculté d’être génératrice de buzz words, hier la « DEFI » pour la finance décentralisée et aujourd’hui les « NFT ». Le plus souvent ces mots sont le produit de la médiatisation de transactions financières colossales qui bouleversent les pratiques traditionnelles de la finance, du marché de l’art ou du multimédia. Pour ne citer que l’industrie musicale, on estime à plus de 25 millions de dollars les transactions de NFT réalisées en février 20213. Certains artistes, à l’instar de PelleK qui a vendu un album à 160 000 dollars en deux heures, voient dans les NFT l’avenir de l’industrie musicale ou artistique4. Citons aussi l’émotion suscitée par la vidéo présentant l’œuvre de Banksy, Morons, brûlée en six minutes, mais vendue grâce à la technologie des NFT à 380 000 dollars5. Certaines plateformes sont devenues de véritables places de marché – cryptomarché – de pair à pair. Par exemple, la plateforme Opensea qui a réalisé 95 millions de dollars de vente pour le seul mois de février 2021. Niftygateway propose à la vente « des NFT sur les œuvres » d’Andrea Bonaceto et du Robot Sofia ou de réaliser une « collection de NFT » sur une série limitée Kranky NFT Collection de Superplastic et de l’artiste graffeur SketOne6. Enfin, la plateforme Art Blocks propose à la vente des NFT sur des œuvres transformatives assistées par ordinateur.

Fonctionnement des plateformes de jetons non fongibles dans le domaine artistique

Pour illustrer le fonctionnement et sans qualification juridique, nous allons adopter deux postures : celle d’un utilisateur et celle d’une artiste. Du point de vue de l’utilisateur, Bob visite la plateforme IO avec pour objectif de collectionner un objet artistique numérique. Ces objets sont représentés par des jetons, les NFT. Pour effectuer des opérations sur ces jetons (acheter, vendre, conserver, échanger), il faut avoir un crypto wallet – portefeuille numérique – en téléchargeant une application sur smartphone, telle que Metamask. Le portefeuille chargé de quelques ETH (cryptomonnaie sur Ethereum), Bob se connecte sur IO.

LA FONGIBILITÉ EST LA CARACTÉRISTIQUE EN ÉCONOMIE DES OBJETS IDENTIQUES QUI SONT INTERCHANGEABLES

Il est invité à « signer » grâce à son compte pour s’identifier. Pour acheter, c’est alors très simple, il suffit de cliquer sur l’objet artistique numérique de son choix. La page de présentation de l’objet permet de visualiser le nombre d’objets identiques mis en vente et le nombre d’acquéreurs. Bob a alors le choix d’acheter le jeton directement auprès de l’artiste, Alice, ou bien auprès de précédents acquéreurs (marché secondaire). À côté de ces ventes directes, il existe des « ventes aux enchères », qui permettent à Bob de faire une offre ; la vente se réalisera au meilleur offrant à l’expiration d’un délai.

Du point de vue de l’artiste, Alice est l’auteure d’une œuvre de l’esprit – nous supposons l’originalité de l’œuvre et la titularité d’Alice – qu’elle a fixée sur un support numérique7. Alice se soumet aux procédures d’agrément lorsque les plateformes l’exigent. Elle utilise le smart contract8 mis à disposition sur la plateforme pour « représenter » son œuvre par un jeton cryptographique unique, le NFT. La programmation du smart contract permet à Alice, d’une part, de préciser des métadonnées. Il s’agit d’informations descriptives d’un jeton, par exemple le titre et la description de l’œuvre, un lien vers l’espace de stockage du support numérique. Ces métadonnées peuvent être stockées sur le registre d’une blockchain (off-chain), hypothèse la plus fréquente9 ou à l’extérieur du registre (on-chain). D’autre part, la programmation organise l’exécution du contrat de vente10, à savoir le paiement du prix ou le séquestre des offres jusqu’à l’expiration du délai programmé s’il s’agit d’une vente aux enchères, ainsi que le versement sur chaque transaction des frais perçus par la plateforme et des coûts de la transaction (gas). Sur le marché secondaire, le smart contract automatise le versement à Alice d’un pourcentage du prix de la vente réalisée par l’utilisateur à chaque transaction sur le jeton. Notons grâce à cette illustration que le déploiement du smart contract ne suffit pas à assurer la pérennité des actifs, entièrement soumise à la viabilité des plateformes, qui ne reposent pas (pas encore) sur des applications décentralisées.

Techniquement, qu’est-ce qu’un jeton non fongible (NFT) ?

La fongibilité est la caractéristique en économie des objets identiques qui sont interchangeables. L’exemple classique est celui d’un billet de 5 euros. La plupart des cryptomonnaies sont des actifs partiellement fongibles, alors que seules des cryptomonnaies assurant l’anonymat, comme Zash ou Monero sont totalement fongibles.

LE PRINCIPAL ARGUMENT S’OPPOSANT À LA QUALIFICATION DES NFT EN ŒUVRE DE L’ESPRIT EST QU’ILS NE RÉSULTENT PAS D’UN PROCESSUS CRÉATIF

À l’inverse, une carte de collection représentant un footballeur est un bien non fongible, unique ; elle ne peut pas être échangée contre une carte représentant un autre footballeur11. Le NFT est également individualisable grâce à l’identification du titulaire du portefeuille. Les NFT déployés sur une blockchain en prennent les caractéristiques, à savoir : la décentralisation, l’immutabilité, la confidentialité, l’intégrité, l’authenticité et la non-répudiation, le caractère auditable12. Ajoutons que les NFT sont indivisibles, il n’est pas possible d’acheter ou de transférer une partie d’un NFT. Ils peuvent être implémentés sur toutes les blockchains qui supportent les programmations de smart contracts, en particulier Ethereum. Les deux principaux standards de programmation utilisés pour les NFT sont ERC-721 pour des smart contracts qui instancient des jetons non fongibles et ERC-1155 pour des smart contracts qui supportent des jetons fongibles et des jetons non fongibles13. En comparaison, le standard ERC-20 est le plus connu des standards sur Ethereum, car il permet de créer des jetons fongibles, comme des stables coins DAI, USDT (Tether). Le jeu vidéo est un domaine privilégié des NFT, dont le plus célèbre reste Cryptokitties14. Il permet d’acquérir et de collectionner de charmants petits chats virtuels dont le plus cher, « Dragon », a été vendu pour 600 Ether soit environ 170 000 dollars. Pour illustrer l’essor des NFT dans un autre domaine, Decentraland est une plateforme qui permet d’acheter des « parcelles digitales de terre » – le concept interroge nos summa divisio de biens meubles et immeubles ! – pour être revendues ou utilisées comme support pour des espaces publicitaires. À proximité de la propriété intellectuelle, des noms de domaines peuvent également être représentés par des NFT grâce aux plateformes Ethereum Name Service avec l’extension .eth et Unstoppable Domains avec l’extension Crypto15.

Juridiquement, qu’est-ce qu’un jeton non fongible (NFT) ?

La définition du jeton a été introduite par la loi Pacte n° 2019-486 du 22 mai 2019 à l’article L.552-2 du Code monétaire et financier comme : « Au sens du présent chapitre, constitue un jeton tout bien incorporel représentant, sous forme numérique, un ou plusieurs droits pouvant être émis, inscrits, conservés ou transférés au moyen d’un dispositif d’enregistrement électronique partagé permettant d’identifier, directement ou indirectement, le propriétaire dudit bien. »16 Précisons à titre liminaire que le dispositif d’enregistrement électronique partagé ou « DEEP » désigne, entre autres technologies, la blockchain et que les NFT répondent à l’exigence d’identification pour assurer leur unicité. Deux éléments de cette définition retiennent notre attention. Le premier élément de cette définition est le caractère incorporel du bien.

LES NFT REPRÉSENTERAIENT LES DROITS DE REPRÉSENTATION ET/OU DE REPRODUCTION DE L’ARTISTE ET L’ACTE DE VENTE POURRAIT ÊTRE ASSIMILÉ À UN ACTE DE CESSION DE CES PRÉROGATIVES

Cette incorporalité doublée des caractéristiques unique, rare et de collection d’un NFT le rapproche de la catégorie des œuvres de l’esprit. Cette qualification aurait le mérite de sanctionner comme des actes de contrefaçon toute reproduction du NFT17. Cette proposition procède à notre sens d’une confusion entre l’œuvre de l’esprit (par exemple, la création immatérielle et originale d’Alice) et le NFT qui la représente dans la blockchain18. Le principal argument s’opposant à la qualification des NFT en œuvre de l’esprit est qu’ils ne résultent pas d’un processus créatif, qui plus est, perceptible par l’un des sens humains. En revanche, le smart contract, le logiciel, élaboré à partir du standard ERC-721, qui permet d’instancier les jetons non fongibles fait appel à des choix de programmation, susceptibles dans certains cas d’être protégés par le droit d’auteur19. Le second élément précise que la fonction du NFT est de représenter, sous forme numérique, un ou plusieurs droits pouvant être émis, inscrits, conservés ou transférés. La formulation est maladroite et ne doit pas conduire à ressusciter d’antiques conceptions selon lesquelles les biens intellectuels ne sont que des droits. Il est plus pertinent de s’interroger sur la nature des droits émis, inscrits, conservés ou transférés. S’agit-il des droits sur l’œuvre de l’esprit ? Ou bien s’agit-il des droits sur le support de l’œuvre ? Tels sont les deux points que nous discuterons dans le cadre de cette contribution, avec une indispensable prudence au regard de la complexité et la nouveauté du sujet.

Les jetons non fongibles, la représentation des droits sur une œuvre de l’esprit ?

Hypothèse

Le droit d’auteur confère à son titulaire un monopole d’exploitation sur son œuvre qui se traduit par des droits exclusifs, moraux et patrimoniaux. Ce sont les prérogatives patrimoniales qui dans notre hypothèse seraient représentées par le NFT et émises, inscrites, conservées ou transférées. En acquérant le NFT, l’utilisateur bénéficierait notamment de la possibilité de représenter et/ou de reproduire l’œuvre à des fins commerciales. Trois éléments corroborent cette hypothèse. Tout d’abord, lorsque l’on étudie les pratiques des acheteurs et vendeurs de NFT dans les médias spécialisés ou sur les réseaux sociaux, ils s’empressent sitôt la vente conclue de communiquer largement au public une représentation de l’œuvre (et son prix de vente !). Si cette attitude psychologique est propre à l’esprit démonstratif d’un collectionneur, elle est également révélatrice d’un sentiment de propriété, au-delà du NFT, sur l’œuvre. Ainsi, les NFT représenteraient (entre autres) les droits de représentation et/ou de reproduction de l’artiste et l’acte de vente pourrait être assimilé à un acte de cession de ces prérogatives. De plus, comme l’a récemment souligné M. Quiniou : « La blockchain permet avec la tokénisation de faciliter la titrisation et de fractionner les droits dans un écosystème décentralisé en limitant le recours aux intermédiaires. »20 Par exemple, Grammatik a cédé ses droits patrimoniaux de manière fractionnée sur la plateforme SingularDTV ou la société d’investissement Maecenas Fine Art propose de connecter les artistes, les collectionneurs, les investisseurs et de transformer des millions de dollars d’œuvre en de toutes petites unités financières pour les acheter/vendre facilement à travers une place de marché en ligne. Enfin, nous vivons dans l’ère de la « remix culture », de la cocréation qui floute les frontières de la consommation et de la production artistiques. La plateforme Art Blocks illustre cette tendance. Elle est axée sur un contenu génératif programmable à la demande et stocké sur la blockchain. En choisissant un style et en achetant le NFT, une version générée aléatoirement du contenu est créée par un algorithme et envoyée sur le portefeuille. La pièce qui en résulte peut-être une image statique, un modèle 3D ou une expérience interactive. Chaque sortie est différente et les possibilités sont infinies pour les types de contenus qui peuvent être créés sur la plateforme.

LE DROIT DE SUITE, PERMETTANT AUX ARTISTES DE BÉNÉFICIER DE LA VALORISATION DE LEUR ŒUVRE APRÈS LA PREMIÈRE CESSION, N’EST PAS CÉDÉ

Autre exemple, la plateforme Async Art propose aux utilisateurs de participer au processus créatif « en créant, collectant, échangeant de l’art programmable ». Les œuvres digitales sont décomposées en couches (layers) sur lesquelles chaque utilisateur peut intervenir pour au final affecter l’image globale (master). Ces deux exemples interrogent sur la notion d’œuvre transformative. Selon les professeurs Vivant et Bruguière21, soit il s’agit de la reconnaissance d’une œuvre nouvelle, susceptible d’être qualifiée d’œuvre dérivée à la suite d’un processus de création transformatif (cas d’Async Art), soit il s’agit de la reconnaissance d’une œuvre qui a vocation à être transformée, évolutive (cas d’Art Blocks). Les deux hypothèses impliquent une autorisation d’utilisation de l’œuvre première.

Réserves

Ces hypothèses ne peuvent pas être admises sans réserve. Nous en citerons au moins trois. Pour répondre à la première hypothèse, il suffit de lire les conditions d’utilisation, les plus pertinentes étant celles de la plateforme SuperRare qui prévoient : « Our community Guidelines encourage Collectors to show off, promote, and share their collected Items, but the Collectors may not infringe on any of the exclusive rights of the copyright holder (i.e., the Artist). By Minting Items on the Platform, Artist affirmatively grants a limited, worldwide, non-assignable, non-sublicensable, royalty-free license to display the Artwork underlying SuperRare Items legally owned and properly obtained by the Collector. » Cette licence intervient après qu’il a été précisé que l’artiste conserve ses droits patrimoniaux. Deuxièmement, si les NFT organisent la cession de certains droits patrimoniaux, le formalisme de l’exigence d’un écrit (art. L. 131-2 du CPI) et de l’énumération des droits cédés (art. L.131-3 du CPI) n’est pas respecté22. Enfin, nous avons pu remarquer que l’artiste bénéficie sur le marché secondaire d’un pourcentage du prix de vente de chaque support de l’œuvre. Ce qui signifie que le droit de suite, permettant aux artistes de bénéficier de la valorisation de leur œuvre après la première cession, n’est pas cédé23 et que très possiblement les NFT ne représentent que les droits sur le support de l’œuvre. Les pratiques autour des NFT sont une belle occasion de repenser le droit de suite sur des supports numériques.

Les jetons non fongibles, la représentation des droits sur le support de l’œuvre de l’esprit ?

L’indispensable distinction de l’œuvre et de son support

L’article L. 111-3 du CPI doit, à notre sens, tenir une place centrale dans la compréhension de ce nouveau marché de l’art sur la blockchain. Il dispose que la propriété incorporelle de l’article L. 111-1 du CPI est indépendante de la propriété de l’objet matériel. L’objectif est de préciser les droits entre le propriétaire du support et le propriétaire de l’œuvre afin d’éviter les conflits entre eux.

Pertinence de cette distinction pour les NFT

Tout d’abord, nous sommes en présence de trois biens incorporels : l’œuvre de l’esprit, les NFT et le support dématérialisé, le fichier numérique. Précisons que conformément à la décision Ubisoft vs Oracle24, le fichier numérique ne se confond pas avec le bien incorporel qu’il contient, il en est le support incorporel. L’incorporalité a comme caractéristique la reproductibilité à l’infini de l’objet. La technologie des NFT permet d’y mettre un frein en organisant par la programmation des smart contracts un nombre limité de supports numériques en circulation. Ce nombre aura bien évidemment une incidence sur la valeur. De plus, la vente d’un support numérique de l’œuvre par la circulation du NFT n’a pas pour conséquence la cession des droits de propriété intellectuelle.

L’INCORPORALITÉ A COMME CARACTÉRISTIQUE LA REPRODUCTIBILITÉ À L’INFINI DE L’OBJET. LA TECHNOLOGIE DES NFT PERMET D’Y METTRE UN FREIN

Ceci est particulièrement clair dans les conditions d’utilisation de la plateforme SuperRare : « Owning a SuperRare Item is similar to owning a piece of physical art. You own a cryptographic token representing the Artist’s creative Work as a piece of property, but you do not own the creative Work itself. » Ce point est beaucoup plus obscur sur d’autres plateformes. Les NFT peuvent être protecteurs des droits intellectuels de l’auteur. En effet, traçable, unique, identifiant, le NFT aide à repérer sur ces vastes réseaux de pair à pair l’exploitation contrefactrice de l’œuvre et à repérer plus facilement les supports numériques contrefaisants. Enfin, il est régulièrement avancé que les NFT sont une garantie de l’authenticité du support – à ne pas confondre avec une garantie de la paternité de l’œuvre. En conclusion, cette distinction de l’œuvre et de son support permet à certains auteurs d’affirmer que les NFT ne sont qu’un « reçu » de la propriété d’une copie unique d’une œuvre de l’esprit. L’image est parlante, simple et juste25. Le NFT est l’outil technique probatoire de la création d’un support numérique de l’œuvre, qui permettra grâce à ses fonctionnalités de l’émettre, de l’inscrire, de le conserver ou de le transférer.

Remarques conclusives

Quelques questions restent toutefois en suspens. Si l’application du régime juridique civiliste ou fiscal lié au bien incorporel ne pose pas de difficulté26, les rapports entre le propriétaire du support numérique représenté par un NFT et le titulaire de la création vont possiblement renouveler les débats. En effet, la circulation, la valeur et même l’existence d’un NFT peuvent être affectées par l’exercice des droits du titulaire de l’œuvre. Par exemple, que se passe-t-il en cas de cession de l’œuvre et notamment des droits de reproduction ? Le NFT, inscrit sur une blockchain (immuable), continuera à exister après cette cession. Pour autant, le nouveau titulaire des droits d’auteur a toute liberté d’éditer par exemple des cartes postales, qui auront très certainement un impact sur la valeur des NFT.

LES NFT NE SONT QU’UN « REÇU » DE LA PROPRIÉTÉ D’UNE COPIE UNIQUE D’UNE ŒUVRE DE L’ESPRIT

Autre incertitude relative à la plateforme Art Blocks : aucune disposition contractuelle ne prévoit l’hypothèse où le programme générateur d’œuvres transformatives continue à s’exécuter au-delà de la mort de l’auteur. Une telle situation questionne la dévolution successorale des œuvres futures transformatives et leurs divulgations à titre posthume, en lien avec les propriétaires du support numérique. Enfin, comment s’exerce le droit de retrait et de repentir en une telle situation ? Le sujet est donc loin d’être épuisé.

Sources :

  1. Mike Winkelmann, un « digital artist » connu sous le nom de Beeple, a vendu aux enchères à Christie’s, en 2021 un NFT représentant son œuvre Everydays : The First 5.000 Days, à plus de 69 millions de dollars : « Christie’s auctions « first digital-only artwork » for $70m », The Guardian, 12 mars 2021.
  2. La semaine dernière, Jack Dorsey, le cofondateur et PDG de Twitter, a mis aux enchères en tant que NFT son tout premier tweet publié le 21 mars 2006. À l’heure actuelle, l’enchère la plus élevée pour ce tweet atteint 2,5 millions de dollars, soit un peu plus de 2,1 millions d’euros.
  3. « Music related NFT sales have topped $25M in the past month », publié le 12 mars 2021 sur le site MBW, Music Business Worldwide.
  4. Selon PelleK : « Unbelievable. I just released the First #NFT music album in history. Sold out in less than 2 hours for $160,000. Artists out there, I’ll say it again : NFT is the future ! Seeing the excitement and support for this album is HUGE » (publié sur Twitter le 22 février 2021).
  5. A.-S. Lesage Münch et A. Bourdon, « Crypto-art : une œuvre de Banksy brûlée par un collectif de traders pour en faire un original numérique », Connaissance des arts, 11 mars 2021 (article en ligne).
  6. Plateforme niftygateway.com.
  7. Si tel n’est pas le cas, elle pourra être reproduite sur un support numérique, comme la vidéo de l’œuvre de Banksy qui soulève le consentement de l’artiste à cette reproduction et bien évidemment l’atteinte au droit moral (sur le territoire français).
  8. Programme informatique enregistré sur une blockchain. Pour une définition plus précise, le smart contract est un code informatique enregistré dans le registre d’une blockchain, fournissant un environnement d’exécution ou un langage de script, dont l’exécution est déclenchée par une transaction et dont le résultat est soumis au consensus des nœuds validateurs avant enregistrement dans le nouveau bloc.
  9. Le standard ERC-721 comprend donc une méthode appelée « tokenURI » que les développeurs peuvent mettre en œuvre pour indiquer aux applications où trouver les métadonnées d’un élément donné. 
  10. Contrat réalisé entre la plateforme et Alice sur la base des conditions d’utilisation ou de contrats spécifiques. 
  11. Sur cette question et les NFT, voir la plateforme Sorare. 
  12. A. Favreau, « Blockchain – Aspects techniques », Encyclopédie juridique Dalloz. Répertoire IP/IT et communication, 2021.
  13.  Sur un jeu vidéo, ils permettront notamment la programmation de jetons fongibles, comme des flèches ou de l’or interchangeables entre les joueurs et des jetons non fongibles avec des épées et des armures uniques. 
  14. Autre exemple, les images de Cryptopunk. 
  15. Exchange.eth a été récemment vendu 500 000 dollars. 
  16. Sur cette question, A. Favreau (dir.), R. Baron et N. Barbaroux, « Blockchain et Finance, Approche pluridisciplinaire », Répertoire Dalloz, IP/IT et communication, juin 2020.
  17. Mais elle a ses limites sur la difficulté d’identification des contrefacteurs et la destruction des produits contrefaisants dans un système blockchain conçu pour être immuable. Voir « NFTs et contrefaçon – Que risque l’émetteur d’un NFT dont il n’est pas l’auteur ? », Benjamin Allouch, cryptoast.fr., 20 mars 2021. 
  18. Andres Guadamuz, « Can copyright teach us anything about NFTs ? », publié sur le site TechnoLlama, qui souligne : « This misconception may come from the fact that there is a belief that scarcity is built into copyright law, but nothing can be further from the truth. »
  19. Notre contribution, « Notion et régime du smart contract » in A. Favreau (dir.), Le smart contract à destination des professionnels du droit de la justice, Larcier, 2021.
  20. M. Quiniou, « La blockchain vectrice d’effectivité des droits des artistes visuels », Expertises, novembre 2020, p.383 et spéc. p.385. 
  21. M. Vivant et J.-M. Bruguière, Droit d’auteur et droits voisins, 3e éd. Dalloz, coll. Précis, n°418, p.391 s.
  22. A. Diallo, « Les opportunités de tokeniser des droits d’auteur », in A. Favreau (dir.), Le smart contract à destination des professionnels du droit et de la justice, Larcier, 2021.
  23. Ibid.
  24. CJUE, 3 juill. 2012, aff. C-128/11.
  25. Andres Guadamuz, op. cit. : « It is just a cryptographically signed receipt that you own a unique version of a work. »
  26. Il suffit en effet d’appliquer la fiscalité des plus-values sur les biens meubles incorporels au NFT par préférence à un régime fiscal aligné sur celui des cryptomonnaies (ce que ne sont pas les NFT) : selon l’article 150 VH bis du code général des impôts, les plus-values de cessions d’actifs numériques sont imposables et soumises à l’impôt sur le revenu, excepté si les cessions n’excèdent pas 305 euros ou par préférence également à un régime fiscal aligné sur celui des œuvres d’art (ce que ne sont pas les NFT), CGI, annexe III, article 71. 

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